De Jean-Paul Gavard-Perret, écrivain et critique, pour LeLitteraire.com, le 5 mai 2017
« Adepte des jeux de l’abstraction et la figuration afin de brouiller les pistes entre apparence et vision,Julie Susset atteint des lieux où le monde se transforme en fiction et la fiction en réalité. Il existe toujours une propension critique et la fabrique de contre-images afin d’empêcher la grande nuit de tomber sur notre perception et sur les représentations de la prétendue psyché. De telles propositions répondent au refus de rester dans la nuit et de se contenter de jouer sous la lune au théâtre des ombres. »
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Le soleil.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les fais grandir, certains ont rencontré la réalité, d’autres m’accompagnent encore.
A quoi avez-vous renoncé ?
Abandonner l’idée de la perfection, ou de changer le monde par exemple ! Plus que renoncer, je dirais que je m’essaye au lâcher-prise, à faire évoluer, ajuster mes choix.
D’où venez-vous ?
Je suis née en Vendée, au bord de l’océan. Mais je me sens venir d’un peu partout, je pourrais avoir de multiples origines !
Qu’avez-vous reçu en « héritage » ?
L’urgence joyeuse de vivre !
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Avec mon plus grand plaisir, le conformisme, la sécurité de l’emploi et la stabilité. Mais je n’ai pas vraiment eu à “plaquer” tout ça, au fond, c’était comme une évidence, ça m’aurait ennuyée d’être dans ce schéma, ce n’est pas dans mon caractère.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Lézarder au soleil, partager un fou rire
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Huummm… difficile de répondre à cette question. D’être autodidacte, sans formation académique, ne pas avoir de discours tout prêt… d’être incertaine.
Comment définiriez-vous votre approche de l’abstraction ?
Le plaisir de déformer et d’exprimer librement ma sensibilité. Pour moi, la barrière est fragile entre abstraction et figuration, et aucune des deux étiquettes ne me satisfait complètement. Est-ce que mon travail est vraiment abstrait ? J’aime ne pas savoir où le prochain geste m’emmène, que ce ne soit pas défini à l’avance, c’est ce qui me plait avec l’abstraction. Elle me permet un lâcher-prise, une forme de liberté, de surprise et de découverte de moi-même par ce qui “arrive” sur la toile. Après, elle part souvent d’un point de départ, qui n’est pas abstrait.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
La toute première ? je ne l’identifie pas clairement. J’ai dû l’imprimer en moi, et la déformer. Un arbre ou un paysage d’enfance de l’océan et des dunes certainement. Mais ce dont je me souviens clairement, ce qui m’a interpellée fortement, ça serait une scène de vie au Sénégal. Puis, les grandes toiles de Cy Twombly au Tate Modern à Londres, qui ont confirmé mon attirance pour la peinture comme moyen d’expression.
Et votre première lecture ?
Je dirais “Oliver Twist” de Dickens ou “L’appel de la forêt” de Jack London
Quelles musiques écoutez-vous ?
Un peu de tout. Ca dépend de mon humeur, et elle peut être très variée ! Du jazz à l’électro en passant par le rock ou le reggae. Très mélomane, la musique m’accompagne quotidiennement et j’y puise beaucoup d’énergie.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
J’ai du mal à relire deux fois un livre, comme de revoir un film. C’est très rare, je préfère plutôt en découvrir un nouveau !
Quel film vous fait pleurer ?
Plusieurs ! Je vis intensément l’histoire comme si j’étais vraiment dans la peau des personnages… cette empathie légèrement encombrante peut facilement amener les larmes à couler, mais je me sens impliquée et encore plus vivante.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une femme et l’enfant qu’elle reste. Et quelqu’un qui me sourit.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Personne ! Il y a peu de choses que je n’ose pas faire ! Sauf si je n’ai pas trouvé le moyen d’y parvenir. Par exemple, j’aurais aimé écrire à Martin Luther King ou Nina Simone.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
La forêt amazonienne.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Je suis plus proche du courant du XXeme siècle en peinture, avec De Kooning and co, Joan Mitchell, Kirkeby, Cy Twombly, certaines oeuvres de Schnabel ou Baselitz, Basquiat (et même un peu XIXème avec Matisse, Monet..), de l’expressionnisme abstrait américain. Les installations, les oeuvres contemporaines qui pour moi manquent de coeur et de corps ne me touchent pas trop, je ne me sens pas toujours en phase avec mon époque sur la sensibilité artistique mise en avant. Mais depuis quelques années, je fais de belles découvertes, qui m’inspirent telles que : Peter Doig, Hantaï, Kimura, Cécily Brown, Jules de Balincourt, Claire Tabouret, Gérard Titus Carmel et beaucoup d’autres. J’ajouterais l’art tribal, brut, primitif des tribus de l’Océanie, à l’Amérique latine en passant par l’Afrique, qui me touche profondément.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une surprise. J’adore être surprise ! Mais si ça pouvait être un billet pour parcourir le monde …
Que défendez-vous ?
Dans le désordre, la tolérance, la folie, la curiosité, la passion, la justice, le culot, la liberté d’être soi, l’humanisme
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Un amour sincère et bienveillant.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Elle m’inspire quelqu’un qui ose aller vers l’inconnu et prend le risque d’être positif, quelle que soit la demande. Un risque encore plus intéressant pour moi serait d’oser dire non.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
On danse ?
Textes d’exposition
- Souffle
- Bird
- De tout il resta trois choses
- Aux Souffles, Aux Terres, Aux Mers, Aux Lumières
- Matière et sentiments
- Pour Parler d’Elle
- Sex on the beach – Stirred not shaken
- Evasion tropicale
- La passion sincère
- À la recherche de l’accomplissement
- Un Regard sur les Arts